mercredi 13 octobre 2010

Félix Leclerc - Andante [ Extraits ]

Voilà donc que je partagerai avec vous ma passion pour les mots. 

Un de mes passe-temps préférés ? Lire ou me faire lire des extraits de livre ...  "raconter des histoires" quoi !  Ceux qui me connaissent le savent bien ... 


Voilà donc le premier extrait d'un auteur que j'aime profondément: Félix Leclerc - "Andante" .

J'ai pensé vous mettre une magnifique photos illustrant l'image mentale que je m'étais faite à la suite de la lecture de ce texte ... mais après réflexion, je décide que non. La beauté de la littérature est, entre autre, la possibilité qui est offerte à l'imagination de devenir vivante et vibrante.  Comme dirait Jean Giono: Imaginer, c'est choisir !

Symphonie de septembre

Matin

Sous la grosse horloge qui marque cinq heures, dans la cuisine endormie où les conversations de la veille flottent encore dans une odeur de tabac, une femme vieille et belle, la première debout, tisonnier à la main et prière aux lèvres, sonne le réveil des choses.

Du poêle aux armoires, de la huche à la glacière, elle circule allègrement autour de la longue table, corde plusieurs pots de conserves sur son poignet et se dirige vers la sortie.

Avec sa main droite, elle fouille à tâtons, dans le verrou, ouvre la porte et sort.

Une grande bouffée d'air, aspirée jusqu'au fond, lui noie le visage.

Lorsque dans sa dépense, ses conserves sont à l'abri sur les tablettes propres, elle revient, s'arrête sous le portique et distraitement regarde dans la cour où des morceaux de nuit, comme des bouts de rêves traqués, s'évanouissent.  

Un bras de soleil s'étire à l'est dans un déchirement de brouillard, mélange de couleurs à même les réserves d'arc-en-ciel, fixe des figures fugitives sur une toile mouvante, efface et recommence.

La vieille est seule. Elle tire une broche de son chignon et tout un paquet de cheveux gris se déroule dans ses doigts; elle en a plein les mains. Elle divise ses cheveux en trois rubans, et tresse, tresse par habitude, sans y penser, en fixant dehors le sable de la cour.

Des écharpes de brume lavent la terre, roulent sur l'herbe, dans le chemin, dans la prairie.

Deux hirondelles de grange passent  affairées, virent, glissent, plongent et disparaissent derrière les bâtiments.

La lumière se lève en soufflant sur la brume et la brume recule par-dessus les toits. Le jour est debout.

À perte de vue, la vieille découvre des milliards de petits soleils, pendant dans chaque goutte de rosée. Les herbes sont décorées comme pour une noce de lutins. La fête sort du sol, silencieuse comme un parfum.

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